Coucou les chéries,
Comme tous les ans, le mois d'octobre , est le mois de sensibilisation et de lutte contre le cancer du sein.
Nous sommes nombreuses à avoir croisé cette maladie sur notre chemin de vie, nombreuses à avoir dû, le temps de quelques mois, mettre nos vies en suspens pour lutter et combattre ce mal qui nous rongeait insidieusement, sans bruit.
Pour ma part, le cancer est venu bousculer ma vie à trois reprises. Trois épisodes, qui à chaque fois, m'ont amenée à cheminer personnellement afin de comprendre pourquoi cette maladie venait m'atteindre moi, et comment je pouvais mettre cette épreuve à profit, pour que je puisse avancer dans la découverte de qui je suis, et qui je veux devenir.
Etre touchée en son sein, est loin d'être anodin.
Dans son ouvrage " le grand dictionnaire des malaises et des maladies ", Jacques Martel, nous explique que le sein représente la conscience de qui je suis et de ma générosité envers moi et les autres. Il nous informe de notre état d'équilibre entre le donner et le recevoir, il parle également de notre féminité et de notre rapport à la beauté maternelle. Le sein gauche sera en rapport avec ce qui touche l'aspect émotionnel de mon côté maternel, alors que le sein droit évoquera plutôt les questions de responsabilités de ce rôle de femme dans ma vie personnelle ou dans la société. Toujours selon Jacques Martel, le cancer quant à lui, vient mettre en lumière une problématique touchant à des émotions refoulées. Il apparait lorsque notre corps n'arrive plus à se protéger contre des cellules précancéreuses qui peuvent exister en chaque individu, lorsque notre état interne de conflit intérieur, de ressentiment, de culpabilité, de blessures, de chagrin ou encore de colère ou de haine devient trop important. Notre corps à ce moment très précis, vient nous informer que nous sommes dans un schéma d'autodestruction et que nous devons tant physiquement, que psychiquement et spirituellement prendre le temps de nous arrêter et nous remettre au centre de nos préoccupations.
Pour ma part, l'ensemble de ces points s'est révélé juste. Lors de mes trois épisodes de cancer, j'avais engrangé, des blessures, des frustrations, des colères qui petit à petit me rongeaient. Mon parcours de vie m'avait conduit à me construire avec l'idée que je devais être forte, présente pour les autres : celle qui comprend, celle qui sait, celle qui peut, celle qui doit, et pendant de très nombreuses années, cet idéal me paraissait très gratifiant.
Je me rendais bien compte parfois que certaines choses n'étaient pas juste, quand par exemple, je me mettais exagérément en colère contre un de mes enfants, ou quand je m'enfermais dans la salle de bain pour pleurer en silence, plutôt que d'exprimer ouvertement mon chagrin et mes besoins. Mais avant le couperet du diagnostic, je ne m'autorisais pas à affirmer clairement mes émotions. Parfois même parce que je n'en avais pas vraiment conscience.
Et puis un jour, un médecin vous annonce que vous avez un cancer, et là, en l'espace de quelques secondes notre monde se dérobe sous nos pieds.
Nos croyances, nos projets, nos vies sont remises en cause.
Quelques mots prononcés dans un cabinet de radiologie, et nos vies se retrouvent stoppées. Commence alors l'interminable parcours médical, entre biopsie, résultat dans l'angoisse de savoir l'état d'avancement du mal, le protocole de soin que nous allons devoir suivre, les interventions chirurgicales, les conseils parfois avisés parfois, les avis parfois maladroits, la détresse de nos proches, nos peurs face à cet inconnu.
La lourdeur de tout ce que cette maladie implique, bouleverse profondément nos vies.
Pour ma part, je crois que mon instinct de survie s'est très rapidement mis en oeuvre, et m'a permis de mobiliser une bonne partie de mon énergie pour faire de cette épreuve une opportunité d'évolution.
J'ai commencé à vouloir faire un bilan de ma vie sur tous les plans, personnel, professionnel, amoureux, physique, émotionnel, spirituel. Je souhaitais commencer un travail consistant à redonner à ma vie toute l'importance qu'elle méritait. Je devais apprendre à me faire passer en premier, à exprimer mes besoins, mes difficultés, apprendre à demander de l'aide, à accepter de recevoir de l'autre.
Je devais apprendre à me connaitre, me reconnaitre et oser devenir celle que je voulais être.
Mais lorsque nous avons l'habitude de faire passer les autres avant soi, il est très difficile de pouvoir nommer et reconnaitre nos besoins. Alors j'ai commencé par identifier ce que je ne voulais plus jamais avoir, faire ou affronter dans ma vie.
J'ai pris le temps d'aller consulter différents thérapeutes pour m'aider à avancer sur ce nouveau chemin et à poser les actions nécessaires au changement que je souhaitais voir dans ma vie.
J'ai pris mon courage à deux mains, et j'ai commencé à exprimer ce qui était possible pour moi, mais aussi ce qui était devenu non négociable, pour le maintien de mon équilibre.
J'ai mis plein de choses en oeuvre pour poser de nouvelles bases, car j'étais persuadé que si j'avais déclaré ce cancer c'est que je ne m'étais pas respectée et donc en quelques sortes que c'était de ma faute. J'avais donc une responsabilité dans l'apparition de cette maladie et je devais rectifier le tir.
Après une année de traitement, la vie tente de reprendre son cours, mais nous arrivons à une étape entre l'envie de reprendre un cours de vie normal, et le constat que rien n'est plus comme avant.
Cette phase a été aussi compliquée à traverser que la maladie elle-même. Pour ma part, et cela à été pour moi une très grande chance, j'ai été très entouré pendant ce premier épisode de cancer. Ma famille, mes amis, mes collègues ont tous été de vrais amours et je n'aurai très certainement pas réussi à tenir le coup si je n'avais pas bénéficié d'un tel soutien, mais lorsque le premier contrôle arrive et que par chance tout est ok, le cycle normal de la vie souhaite reprendre son cours.
Mais pour nous, rien n'est plus comme avant.
Alors qu'une partie de notre entourage, et cela est totalement légitime, souhaite passer à autre chose et reprendre une vie plus légère et routinière, cela n'était pas possible pour moi.
Mon corps tout d'abord ne réagissait plus de la même façon. Je me trouvais faire face à une lenteur d'exécution, une lenteur psychique extrêmement limitante. Ma résistance au stress était drastiquement diminuée. Je ne retrouvais plus mes capacités d'avant et cela était très déstabilisant.
Arrive la reprise du travail. Beaucoup de choses avaient changé durant mon absence.
J’entreprends durant cette période, une formation pour devenir coach. Cette formation tout en nous permettant d'acquérir les savoirs et les outils nécessaires à notre future pratique professionnelle, nous permet de faire un véritable travail sur soi, sur nos objectifs de vie, sur notre façon d'appréhender les évènements, et comment mettre en place les actions nécessaires pour le changement que nous souhaitions voir se réaliser.
Cette formation et ce travail arrivait à point nommé pour me permettre de poser de nouveaux modes de fonctionnement.
Malgré cela, cette reprise a été une véritable épreuve.
Après être passée par une remise en question totale de mon mode de fonctionnement personnel, ma vie professionnelle se voyait également plus que remise en cause. Changement de fonction, mise au placard. S'en suivent un arrêt maladie pour dépression, démission de mon poste puis recherche d'un nouveau boulot pour tenter de rebondir.
Malgré cette énergie, 4 ans après, le cancer retoque à ma porte.
Toujours le même sein, le droit... mais avec un autre type de cancer. Le premier était hormono-dépendant, mais pas cette récidive.
Nouvelle claque. Qu'avais-je donc loupé pour que la vie vienne à nouveau me faire cette très mauvaise plaisanterie ? J'ai à nouveau pris les choses en main, et je suis repassée par une nouvelle tumorectomie, et chimio car les rayons ayant étés dans le premier protocole, il n'était plus possible d'avoir recours une deuxième fois à cette forme de thérapie.
Autant vous dire, que si la première fois, nous prenons les choses un peu comme elles viennent (car nous ne savons pas ce qui nous attend), autant la deuxième fois est plus difficile à accepter car nous connaissons la pénibilité et la longueur du traitement, mais que faire d'autre que de repartir vers ce que les médecins nous proposent...
Ce deuxième épisode aura pour conséquence de provoquer chez moi de la culpabilité quand à un sentiment de ne pas avoir fait ce qu'il fallait malgré l'avertissement du premier cancer. J'ai donc remis en place une meilleure hygiène alimentaire, re-questionner mes choix d'orientation professionnelle, précisé plus clairement certaines limites dans mon équilibre de vie. Même si je comprenais que l'ensemble de ces décisions avaient pour but de me permettre de lutter contre la maladie, je sentais cet ensemble de décisions comme des contraintes supplémentaires à ce que je vivais déjà comme une situation subie et très pénible.
Et puis à peine deux ans plus tard, troisième épisode.
La mastectomie n'est plus négociable, je dois en passer par là. J'ai 39 ans, ma poitrine avait été dans ma construction de femme un atout et une fierté. Envisager de perdre encore une fois de ma féminité et cette fois de façon définitive est extrêmement douloureux.
A ce moment précis, pas question de subir cette intervention sans un choix mûrement réfléchi. Je prends donc le temps d'étudier chaque proposition et finis par choisir la méthode DIEP *.
Ce choix fut capital dans ma reconstruction. Tout d'abord, j'ai eu là encore de la chance, car j'ai pu bénéficier d'une ablation et reconstruction simultanée. Et si je dis que ce choix de méthode fut capital dans ma reconstruction identitaire, c'est que j'ai perdu en partie un de mes attraits féminins en subissant mon ablation et reconstruction suivi d'une réduction sur l'autre sein, mais j'ai gagné un ventre à nouveau plat malgré mes deux grossesses. Cela peut paraitre discutable pour certains car chaque personne vit son rapport au corps très personnellement et quiconque n'a le droit de juger cela. Si je partage cela avec vous c'est que si j'avais suivi les préconisations classiques du corps médical, on m'aurait prélevé un muscle du dos et mis une prothèse mammaire. Mais pour ma part, je ne voulais pas de corps étranger qui nécessiterait une nouvelle intervention dans une toute petite dizaine d'année, et l'alternative de la méthode DIEP me permettait mentalement d'être dans une logique de " je perds quelques chose mais je gagne autre chose en retour ".
Lorsque le troisième épisode se présente, je comprends que le problème n'est pas dans ce que je fais, ou ne fait pas dans mon quotidien, mais dans le fait que la maladie bien que mettant ma vie en danger, est le seul moyen que j'avais trouvé (de façon inconsciente jusqu'alors) pour pouvoir m'autoriser à être au centre.
Dès que la vie reprenait son cours, je me retrouvais face à cette nécessité de me préserver; mais je restais avec cette grande difficulté et culpabilité d'agir pour moi.
C'est à ce moment que je décide de ne plus tomber dans ce piège et d'agir en conscience et dans l'amour tant pour moi, que pour ceux qui m'entourent. Je comprends combien me respecter et m'aimer, c'est aussi donner de l'amour aux miens, car à chaque épisode de cancer, mes proches souffraient énormément.
Aujourd'hui cela fait 5 ans que le cancer est parti et je sais qu'il n'a plus sa place dans ma vie. Je continue de travailler sur moi et de cheminer en conscience et dans l'amour pour être en accord avec qui je suis.
Si je partage avec vous ce moment de ma vie, c'est parce que je sais combien, dans ces moments douloureux nous pouvons nous sentir dépassées, épuisées, perdues, mais je sais aussi que chaque épreuve peut-être une occasion de grandir.
Je sais aujourd'hui que certaines choses dépendent de moi, et que d'autres sont sur mon chemin pour me permettre de comprendre qui je suis, et ce qui m'anime profondément.
Si je partage tout ça avec vous aujourd'hui, c'est que je sais combien, il est important de se sentir soutenue, et de savoir qu'il y a toujours un moyen de transcender les épreuves.
Il suffit d'ouvrir son coeur et d'accepter de regarder en soi pour comprendre ce que nous pouvons transformer et faire de notre mieux pour être en accord avec nous-même.
Aujourd'hui, je mets mon temps et mon énergie pour permettre aux personnes que je reçois de prendre du temps pour eux, pour les aider à progresser sur leur chemin d'éveil personnel et de se remettre au centre de leur vie.
Je comprends également comment ce parcours de vie me permet aujourd'hui d'être en empathie et ressource pour les personnes qui traversent ces épreuves.
Alors courage à toutes les battantes qui tous les jours mettent leur belle énergie pour rester debout et retrouver leur identité en tant que femme de coeur.
Avec Coeur et Passion.
Alexandra TAINON
* DIEP : Deep Inferior Epigastric Perforator, " La technique du lambeau DIEP consiste à prendre de la peau, de la graisse et des vaisseaux (artère et veine) sous et autour de l'ombilic pour reconstruire un volume mammaire après une mastectomie "